Gospel

Un arrêt cardiaque, avaler de travers, traverser une route sans regarder à droite, à gauche, glisser sur un trottoir et se fracasser la tête, il y a tant de façons, se faire tirer dessus, une balle perdue, se retrouver par hasard dans le viseur d’un sniper, rater un virage, se chopper un cancer, boire de l’acide, boire du poison au lieu d’un verre de vin, basculer, un balcon, troisième étage, il y a tant de façons, tous les jours, le décider d’une boite de somnifères, ne pas le vouloir et ne pas s’en rendre compte, comme ça en un instant, le souffle qui s’échappe, aujourd’hui, demain, ne pas y voir une raison, il y a tant de façons, une explosion, un train, un passage à niveau qui déconne, un organe qui lâche, le foie, la rate, le pancréas, se prendre des coups, se faire dévorer par des rats, un tigre, son propre chien, rongé par des vers, le bas-ventre entre les mâchoires d’un requin, de vieillesse, simplement disparaître, un parachute qui ne s’ouvre pas, un élastique qui se détache, de faim, de froid, sous un carton, se noyer dans la mer, dans un lac, une baignoire, la tête au fond du lavabo, ne pas se réveiller après avoir trop bu, d’une overdose, d’une mauvaise dose, usé par le travail, tomber d’un arbre et ne pas s’accrocher aux branches, dans un champ, brûlé par la foudre, il y a tant de façons et tu y penses souvent, tu y penses tous les jours, il y a tant de façons et aucune ne te semble aller de soi, un courant électrique, des fils à haute tension, se couper les veines, se faire égorger ou d’autres façons de saigner, une hémorragie lors d’une opération, la lame du scalpel au mauvais endroit, par injection, par pendaison, s’allonger sur son canapé et attendre la nuit qui ne viendra jamais, debout, en courant dans un vieux jogging en bordure d’un parc alors que le soleil se lève, il n’y a pas de raison, d’avoir trop fumé, les poumons goudronnés, d’avoir trop mangé, d’une longue maladie ou en bonne santé, après avoir vécu, avant d’avoir vécu, devant un écran, dans un hôpital, sur le carrelage froid d’une maison de retraite, attaché, dans une prison, un berceau, dans le caniveau, dans le lit de quelqu’un d’autre, que tu connais, que tu ne connais pas, pendant une guerre la gueule écrasée dans la boue d’une tranchée, de tristesse, d’avoir trop pleuré, parce qu’on est au bout, vraiment tout au bout, il y a tant de façons, recouvert de feuilles, de la terre dans la bouche, fermer les yeux et ne pas voir s’approcher les vautours, en éclatant de rire, pendant une fête, pendant une émeute, pendant un orgasme, nu, habillé, emmitouflé, le soir entouré de ses proches, la main que l’on tient, que l’on ne veut pas lâcher parce qu’on sait que c’est la fin et qu’il n’y aura pas d’autre fois ou seul chez soi, la lumière éteinte, sans s’entendre crier alors qu’il n’y a aucun bruit, il y a tant de façons, il n’y pas d’après, il n’y a pas de tunnel, il n’y a pas de raison.
Ni de mourir, ni de vivre.
Mais il y a tant de façons.

image_pdf
_______

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *